« Je ne savais pas faire » : comment une mère a appris à aimer les boucles de sa fille
Si l’on croit que la beauté se transmet de mère en fille aussi naturellement que les yeux bleus de Mamie Lulu, la réalité est parfois bien moins lisse… surtout quand, justement, la nature ne nous a pas servi la même chevelure. Au croisement des origines et des textures, la passation se complique. Témoignages et réflexions sur la délicate (et joyeuse) affaire de transmission.
Quand la transmission coince : histoire de cheveux en héritage difficile
Dans bien des familles, apprendre à se coiffer, à se maquiller, ou simplement à prendre soin de soi relève du mimétisme. On s’observe, on copie, on adopte des gestes qui deviendront familiers. Mais que se passe-t-il quand la fille n’a pas la même nature de cheveux, la même couleur de peau que sa mère ? Pour Olivia, la réponse est simple et teintée d’humour : « Je n’ai pas de souvenirs de ma mère s’occupant de ma tête, à part quand j’avais des poux. » À 25 ans, elle commence seulement à apprivoiser sa chevelure crépue.
Le constat est là : ni sa mère, blanche aux cheveux lisses, ni son père, noir et aux cheveux texturés, n’ont pu la guider sur le chemin tortueux des soins capillaires adaptés. « Je patauge », confie Olivia. Coiffer, démêler, choisir les bons produits… rien d’évident, surtout quand la diversité peine à trouver sa place chez les coiffeurs ou dans les rayons de cosmétiques.
La galère des salons et la revanche de la diversité
Aude Livoreil Djampou, fondatrice des salons Ana’é accueillant toutes les natures capillaires, l’affirme sans langue de bois : « En matière de cheveux, ce sont les coiffeurs qui transmettent la connaissance. Mais souvent, ils ne savent s’occuper que des cheveux lisses. » Elle le déplore : alors que les afro-descendants représentent 18 à 20 % de la population française, Paris ne compte qu’à peine 120 salons spécialisés, là où il en faudrait 2000 en Île-de-France.
Côté produits, les parents de filles métisses ou à la carnation particulière doivent souvent redoubler d’efforts et d’inventivité pour trouver leur bonheur. Lucie raconte : « Ma mère m’a donné le goût du maquillage et m’a montré comment faire, mais elle ne m’a pas appris quels produits étaient adaptés à ma carnation. » Difficile d’emprunter le fond de teint de maman quand la nuance n’existe tout simplement pas en rayon. Heureusement, la tendance évolue !
- Des marques comme Fenty Beauty, portée par la chanteuse Rihanna, ouvrent la voie avec des gammes élargies pour toutes les carnations.
- Des modèles plus diversifiés apparaissent en publicité, permettant à chaque femme de s’identifier.
Priscilla Ono, maquilleuse de Fenty Beauty, se réjouit des avancées : « Ce n’est certainement pas encore parfait, mais les marques s’efforcent de refléter leurs clients. » Et les clients, eux, réclament davantage de sur-mesure !
Apprivoiser les boucles : une aventure familiale
Laura, 30 ans, cheveux lisses et peau claire, est la maman d’Ava, joyeuse petite métisse aux boucles serrées. Elle raconte : « On a acheté des taies d’oreiller en satin et des bonnets de nuit pour que ses cheveux s’emmêlent moins, on a testé tout un tas de produits, certains faits maison, et on a écumé les coiffures sur Pinterest pour qu’elle choisisse celle qui lui plaisait le plus. » Une exploration où l’on bricole, où l’on apprend… et où le papa, lui-même métis, vient à la rescousse. Il a été, lui aussi, marqué par les erreurs de transmission – notamment ces fameux défrisages qui brûlent le cuir chevelu – et entend bien ne pas les reproduire avec sa propre fille.
Laura insiste : « On sait qu’un jour elle voudra essayer le lissage, mais on espère que ce sera le plus tard possible, parce qu’on veut qu’elle aime ses cheveux tels qu’ils sont. » Même si les rituels diffèrent, les moments passés ensemble, devant le miroir, font naître la complicité. « On se complimente, on se coiffe en même temps, je mets du rouge à lèvres, elle aussi… Peu importe qu’on ne fasse pas les mêmes gestes, l’important, c’est qu’elle aime ses caractéristiques propres. »
De la technique à l’amour de soi : la transmission réinventée
Pour cette nouvelle génération de mères, la transmission ne s’arrête pas à une histoire de brosse ou de mascara. Il s’agit avant tout de donner à leur fille les clés pour s’aimer et s’affirmer. Grace Ly, réalisatrice de podcasts et mère de deux filles, en est convaincue : « La beauté implique beaucoup de valorisation de la femme et d’amour propre. » Selon elle, prendre soin de soi, c’est avant tout se donner les moyens d’être soi-même, de s’exprimer tel qu’on est, naturellement.
En somme, même quand on ne sait pas faire d’emblée, il n’est jamais trop tard pour apprendre… et transmettre aux futures générations non plus l’art de la mise en beauté, mais surtout le plaisir d’être unique.












